La vie cloîtrée peut en effet apparaître comme un défi dans notre société où l’on met tant d’insistance sur la réussite et la productivité. L’apparente “ inutilité ” de cette vie cachée témoigne que la véritable fécondité d’une vie n’est pas d’abord dans l’efficacité ou le rendement. Les contemplatifs sont ainsi solidaires des “ blessés de la vie ”, des personnes malades ou handicapées, de celles qui sont en prison ou au chômage en témoignant qu’une impuissance acceptée et offerte peut porter invisiblement beaucoup de fruit.
Être témoin, c'est faire mystère
"J’ai été frappée par la joie d’une religieuse. Jamais je n’avais vu de femme si heureuse, et j’ai appris qu’elle était moniale cloîtrée. Alors, je me suis dit que c’était un peu anormal qu’une moniale vivant derrière une grille – c'est une chose qui m’avait toujours un peu effrayée - soit si heureuse.
Mon père spirituel m’avait demandé : « Avez-vous pensé à la vie contemplative ? - Jamais de la vie ! lui avais-je répondu aussitôt, je ne veux pas me momifier derrière des grilles… » En repensant à cette religieuse je me disais : "Comment se fait-il qu’elle soit si heureuse ? Il faut vraiment que le Seigneur la comble de bonheur". Alors, il m’est revenu à la mémoire une phrase du Cardinal Suhard : « Être témoin, ce n’est pas faire de la propagande, et même faire choc, c’est faire mystère. C’est vivre de façon que la vie soit incompréhensible si Dieu n’existe pas ». Alors, petit à petit, cette phrase m’est entrée dans la tête. Je me disais : "Cette religieuse fait mystère : elle est heureuse".
Et il m’est venu dans la tête que je pouvais faire mystère de cette façon là ». Sr M.-S.
Faire, ou ... se laisser faire ?
"Quand je suis venue pour la 1ère fois à l’Abbaye, j’ai découvert avec émerveillement la vie contemplative. Lors de cette première visite, en effet, ma vie a basculé. Jusque là, j’avais étudié et je m’étais donnée dans toutes sortes d’activités pour tenter de faire rayonner ma foi autour de moi. Je pensais, à la fin de mes études, mettre mes talents au service de l’Église : je voulais être journaliste, et, pourquoi pas, écrire des livres, et même, je me disais qu’un jour j’ouvrirais une maison d’édition pour répandre de la bonne littérature !
Et là, en découvrant la vie contemplative, je me suis dit : « Tu voulais faire beaucoup de bien et à présent tu découvres qu’il faut te laisser faire. Il faut laisser le Seigneur prendre ta vie et faire ce qu’il veut de ta vie. Il s’agit surtout, dans cette vie, de consentir et de se laisser faire ». Et je pense que j’ai choisi cette vie, bien sûr, mais d’une certaine manière, c’est le Seigneur qui l’a choisie. Il y a eu une séduction du cœur, cela n’a pas été un raisonnement, une logique, en me disant : « Cette vie-là, elle est bien, elle est mieux que d’autres ou elle est plus féconde ». Pas du tout ! Cela a été un désir profond, une promesse de bonheur. Et je me suis dit : « C’est là que je serai heureuse ».
Ce qui a déterminé mon choix, je crois, c’était de vouloir aimer Jésus plus que les études, plus que la vie active dans le monde, et surtout, d’accepter une fécondité cachée, secrète … Cela n’a pas toujours été facile. Il fallait renoncer à voir le fruit du don de moi-même à Jésus.
Aujourd'hui, après plusieurs années de vie monastique, j'ai trouvé la paix du cœur et la certitude que je suis bien à ma place et que ma vie a un sens et une dimension apostolique réelle. Un moine russe, St Séraphim de Sarov, a dit : « Acquiers la paix intérieure et des milliers autour de toi trouveront le salut ». Voilà mon espérance : que l’offrande de ma vie au quotidien, dans les petites choses comme dans les plus grandes, aide les autres à cheminer, eux aussi, vers la paix et la joie que donne le Seigneur ! Sr S.